Métaux de la transition énergétique : politique et souveraineté

Une politique incitative pour une souveraineté européenne et nationale

Le paquet législatif sur le climat a fait de la réduction des émissions de l'UE d'au moins 55 % d'ici à 2030 (sur la base des émissions de 1990) une obligation légale.

Les pays de l'UE travaillent actuellement à l'élaboration d'un paquet "Ajustement à l'objectif 55" pour réviser et actualiser la législation afin d'atteindre les objectifs de 2030.

La France et l’Europe face à leur vulnérabilité

Le Pacte Vert pour l’Europe met en avant l'importance d'une transition énergétique rapide et massive, qui dépend en grande partie de la disponibilité des ressources minérales de métaux critiques et des terres rares indispensables à la production de technologies vertes comme les panneaux photovoltaïques, les éoliennes ou les batteries pour véhicules électriques.

Étant fortement dépendantes de l'Asie, et particulièrement de la Chine, pour satisfaire des besoins croissants en matières premières stratégiques, la France et l'Europe doivent reconstruire une souveraineté sur les métaux de la transition énergétique

Pour y parvenir, elles ont accéléré les initiatives ces trois dernières années, en renforçant notamment le cadre législatif pour réduire cette dépendance et ainsi protéger l'industrie européenne. L’ensemble de la chaîne de valeur est examiné et de nouvelles législations vont voir le jour pour engager l’ensemble des acteurs dans cette stratégie de souveraineté sur les métaux de la transition énergétique.

  • Quelles sont les initiatives prises par l’Europe pour coordonner une stratégie commune de développement de l’industrie européenne ?  

  • Comment garantir une juste compétition entre les acteurs européens et extra-européens en matière de métaux critiques pour la transition énergétique ? 

  • Comment les industriels européens peuvent tirer parti de ce virage politique pour les inscrire dans leur stratégie et en tirer un avantage compétitif ?

Des réglementations qui auront un impact profond et rapide sur l’industrie

L’Europe a lancé en 2020 l’European Raw Material Alliance (ERMA)1. Cette alliance regroupe l’ensemble des acteurs tout au long de la chaîne de valeur (industriels, états et régions membres, syndicats interprofessionnels, instituts de recherche), pour coordonner une stratégie commune de défense de l’industrie européenne.

Afin de soutenir les initiatives, la Commission européenne travaille sur différents volets législatifs  afin d’améliorer le cadre juridique de l'extraction (exploitation minière), de la transformation et du recyclage de ces matières premières critiques : 

  • un règlement européen sur les matières premières critiques (ECRMA)2

  • un règlement sur les batteries (European Battery Regulation)3

  • une directive sur le devoir de diligence4

  Article Diligence/ Traçabilité Diversification Développement minier Recyclage/ Valorisation Investissement

 

 

Europe

Règlement relatif aux batteries et aux déchets de batteries2 X     X X
Règlement sur les matières premières critiques (European Critical Raw Materials Act)3 X X X X X
Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité4 X        
France Réforme du code minier5     X   X

Ces réglementations au niveau européen ont pour objectif : 

  • De moderniser et d’unifier les procédures d’autorisations pour l’exploration, l'exploitation minière, la transformation et le recyclage des métaux, avec un élargissement des réglementations actuelles aux matériaux stratégiques. Par exemple, la révision de la directive IED va élargir le champ d’application de ces réglementations aux activités d’extraction et des traitement des matières premières minières et des métaux stratégiques ;
  • De développer des capacités de suivi et de gestion des risques par les grandes entreprises. Elles devront réaliser une évaluation ciblée des risques sur leur capacité opérationnelle. Cette évaluation implique un suivi en temps réel de la chaîne de valeur, des tests de résistance sur la chaîne de valeur des matières premières stratégiques, et le développement d’un mécanisme d'alerte précoce ;
  • De mieux prendre en compte les déchets des matériaux critiques dans la réglementation et d’améliorer la circularité et la durabilité des matières premières critiques. Ces actions passent notamment par les exigences d'éco-conception et de recyclage des métaux.

Le texte sur les matières premières critiques a été présenté en mars 2023 et commence son chemin législatif européen tandis que le texte sur les batteries, présenté en décembre 2020 est toujours en première lecture au parlement et au Conseil de l’Union Européenne. On peut estimer que ces textes devront être adoptés dans les 18 mois qui viennent si l’on veut respecter les objectifs que l’Europe s’est fixée.  

Devoir de diligence raisonnable

En s’appuyant sur les recommandations de l'OCDE6, l’Europe2 impose aux entreprises d’assurer en interne ou à l’aide d’entreprises externes une diligence raisonnable sur leurs chaînes d’approvisionnement. Ce processus devra être validé par une tierce partie en accord avec des principes d’indépendance, de compétence et de reddition de comptes de l’audit qui sont définis dans le guide de l’OCDE.

Devoir de traçabilité et mesure de l’empreinte carbone

Par ailleurs, les industriels devront assurer la traçabilité de l’ensemble de la chaîne de valeur pour assurer une transparence depuis la mine jusqu’à la mise à disposition du produit fini. Afin d’éviter toute dépendance excessive à l’égard de tout pays, pas plus de 65 % de la consommation annuelle de l'Union de chaque matière première stratégique à n'importe quel stade de transformation pertinent ne doit provenir d'un seul pays tiers3.

Les entreprises identifiées comme fabricant des technologies critiques devront réaliser tous les deux ans :

  • un audit de leur chaîne logistique avec une attention particulière sur l’extraction et la transformation des matières premières ;
  • une étude de la résilience de leur chaîne de valeur afin d’en identifier les vulnérabilités et leurs impacts.

Les industriels devront également déclarer l’empreinte carbone des batteries mises sur le marché2. Les exigences légales vont évoluer en plusieurs étapes clefs. Ces éléments seront soumis à la validation d’une entreprise tiers.

Un niveau minimum de matière recyclée et de valorisation des matières

Alors que les ressources sont limitées, l’économie circulaire est une solution indispensable pour pourvoir aux besoins dans les décennies à venir. Elle s'inscrit dans une démarche de transition écologique puisqu'elle permet de donner une seconde vie aux matières premières. La législation sur les métaux critiques prévoit que d’ici 2030 le recyclage effectué dans l'UE doit permettre de produire au moins 15 % de sa consommation annuelle3.

L’accord sur de nouvelles règles européennes relatives aux batteries, plus spécifique, ambitionne un rendement minimal du recyclage des batteries ainsi qu’un taux minimal de valorisation des matières dans les batteries lithium-ion et des batteries au plomb. Différents objectifs pour 2025 et 2030 sont à l’étude. Le recyclage devra être pris en charge par les producteurs de batterie directement ou via des prestataires choisis.

Rendement de recyclage des batteries par technologie2

 

Lithium-ion Plomb
2025
65 %
75 %
2030 70 %
80 % 

Rendement de recyclage : le rapport obtenu en divisant la masse des fractions sortantes après recyclage par la masse de la fraction entrante des déchets de batteries, exprimé en pourcentage2.

Taux de valorisation des matières présentes dans les batteries2

 

Plomb
Cobalt Nickel Lithium  Cuivre
2025
90 % 90 %
90 % 35 % 90 %
2030
95 % 95 %
95 % 70 % 95 %

Taux de valorisation : la proportion de matière qui est valorisée, c’est-à-dire récupérée et réutilisée, dans le processus de recyclage7.

Taux de matière recyclées dans les batteries2

 

Cobalt Plomb Lithium Nickel
2031
16% 85 % 6 %  6 %
2035
20 % 85 %  10 % 12 %

De même, 3 ans après la mise en application de la réglementation sur les matières critiques, la quantité de matières issues du recyclage dans les aimants permanents devra être communiquée. Et à partir de 2030, des normes en cours d’élaboration imposeront d’inclure une part minimale sur les principales terres rares (neodymium, praseodymium, dysprosium et terbium) issues du recyclage dans les aimants permanents.

Une obligation d’information sur l’origine des matières premières

Les fabricants de batterie auront pour obligation légale de communiquer les informations techniques relatives à chaque batterie produite à travers un code QR présent sur chacune d’entre elles. Cette mesure a deux objectifs principaux : (1) fournir aux utilisateurs finaux des informations transparentes, fiables et claires sur les batteries et (2) permettre aux opérateurs de gestion des déchets de traiter de manière appropriée les déchets de batteries2.

De même, tout produit mis sur le marché incluant des aimants permanents devra indiquer à l’aide d’un support de données de type code QR les informations d’origine des aimants afin d’assurer la traçabilité des matières et leur recyclabilité.

Une industrie d’extraction et de transformation européenne à reconstruire 

L’enjeu de souveraineté sur les métaux de la transition énergétique n’est pas seulement un enjeu de sécurisation des matières premières mais aussi de maîtrise des technologies afférentes et d’autonomie industrielle. Ainsi, afin de favoriser la souveraineté européenne, il est aussi prévu de développer l’industrie européenne d’extraction et de transformation avec des objectifs ambitieux. 

A partir de 2030, l'extraction de matières critiques dans l'UE doit permettre de subvenir à au moins 10 % de sa consommation annuelle et la transformation opérée dans l'UE doit assurer au moins 40 % de sa consommation annuelle3. Pour assurer la faisabilité des projets, les procédures d’obtention de permis vont être simplifiées et accélérées pour ne durer que 24 mois maximum pour les projets stratégiques d’extraction et 12 mois pour les projets de transformation et de recyclage3.

Une commission pour soutenir cette dynamique

Pour coordonner et soutenir les initiatives européennes visant à renforcer la souveraineté sur les métaux de la transition énergétique, une commission appelée "European Critical Raw Materials Board" a été créée. Cette commission est composée de représentants des États membres de l'Union Européenne et a pour objectif de coordonner l'ensemble des initiatives : facilitation des financements de projets et des off-take agreements, coordination des projets d’exploration étatiques, surveillance et gestion des stocks stratégiques, etc.

Une diplomatie des matières premières

Parallèlement, l'Union Européenne prévoit de développer ses relations commerciales et diplomatiques avec des pays producteurs de matières premières critiques afin de construire des partenariats stratégiques et d'assurer la résilience de la chaîne de valeur. Ces partenariats auront également pour objectif de construire des accords bénéfiques pour toutes les parties prenantes, en garantissant un impact social et économique positif dans les pays extracteurs.

En marge des outils législatifs, des initiatives volontaires


Plusieurs initiatives internationales sont à l’œuvre telles que l’Initiative for Responsible Mining Assurance et la Responsible Mine Foundation pour définir et développer des exploitations minières responsables.

Dans un effort d’encourager cette dynamique et de créer un climat social favorable aux développements de projets sur le territoire national et à l’étranger, la France a initié une réforme du code minier qui sera applicable à la mi 2024. Celui-ci a pour vocation à mieux prendre en compte les impacts environnementaux et sociétaux des projets actuels et futurs et de renforcer la participation des territoires.

Étant dépendants d’importations extra-européennes pour nos besoins en matières critiques, le code minier aura vocation à s’appliquer dans le cadre de nos approvisionnements externes.

Sécurisation des approvisionnements

L’Europe se donne aujourd’hui les moyens de répondre à ses enjeux de souveraineté sur les métaux critiques et de garantir une transition énergétique durable en incitant les industriels à adopter des pratiques plus responsables et en favorisant le développement d’une économie circulaire. 

L’analyse des initiatives au niveau de la société civile et des propositions législatives permet d’anticiper les changements réglementaires à venir d’ici la fin de la décennie. Une bonne préparation à ces nouvelles réglementations permettra aux entreprises de les intégrer dans leur plan stratégique pour en tirer un avantage concurrentiel certain. 

Grâce à la pluralité de ses expertises métiers et sectorielles, ainsi qu’à une présence internationale, Strategy& vous accompagne pour sécuriser les ressources indispensables à la réussite de votre plan stratégique, sur l’ensemble de la chaîne de valeur :

  • Analyse et anticipation de vos obligations réglementaires, 

  • Évaluation du niveau de risque et de sécurité des approvisionnements suivant différents scénarios macro-économiques et géopolitiques,

  • Projection des besoins futurs, des capacités prévisionnelles et des dépendances, 

  • Élaboration d’un plan stratégique pour améliorer la résilience de vos chaînes de production et d'en réduire leurs empreintes environnementales et sociales,

  • Nouveaux modèles économiques pour développer la circularité, 

  • Ciblage et due-diligence de partenariats porteurs de valeur.

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Olivier Lluansi

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Associé, Strategy& France

Sylvain Mit

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Ludovic Técher

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