Un écosystème émergent pour sécuriser les métaux de la transition énergétique

Les métaux : souveraineté, ESG et résilience

métaux en fusion
  • Publication
  • 20 sept. 2023

La transition énergétique marque la bascule d’une dépendance aux énergies fossiles vers une dépendance aux ressources minérales. La sécurisation des approvisionnements des matières premières est devenue dans ce contexte un enjeu vital pour l’industrie européenne. Sous l’impulsion de l’European Critical Raw Materials Act (ECRMA) et du règlement européen relatif aux batteries, un écosystème alliant les industriels, de bout en bout de la chaîne de valeur, et les acteurs publics s’organise pour relever le défi.

Au cœur de cette dynamique, Strategy&, l’entité de conseil en stratégie de PwC France et Maghreb, s'est entretenu avec Stéphane Bourg, Directeur de l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (OFREMI), et Patrick d'Hugues, Directeur de Programme Scientifique (Ressources Minérales et Économie Circulaire), Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), sur les enjeux de souveraineté et de responsabilité ESG, des approvisionnements en matières stratégiques.

Cet entretien fait partie d’une série d’articles proposée par Strategy& :

À quels enjeux les industries françaises et européennes sont-elles confrontées ?

Sylvain Mit, Directeur Strategy&, PwC France et Maghreb - La France a une longue histoire minière, mais cette épopée sociale et industrielle s’est achevée il y a 30 ans avec la fermeture des dernières mines. D’aucuns auraient pu penser ce volet définitivement clos, mais l’urgence climatique oblige à requestionner l’avenir de la mine en France.

La transition énergétique requiert en effet des approvisionnements en ressources minérales qui dépassent largement les capacités de production actuelles et qui sont très majoritairement dépendantes de l’Asie et de la Chine en particulier.

Dans un contexte de recomposition géopolitique, une compétition globale est engagée pour le contrôle des ressources minérales. Nous voyons aux niveaux français et européen se former un écosystème d’acteurs publics et privés, auquel Strategy& participe, pour construire une sécurité des ressources, qui constitue la base de la souveraineté industrielle. Les parties prenantes à tous niveaux de la chaîne de valeur apprennent à se connaître.

L’OFREMI est au cœur de la sécurisation des ressources stratégiques pour l’industrie française. Quelle est sa mission ?

Stéphane Bourg, Directeur de l’OFREMI - Lancé fin 2022 à la suite du rapport Varin sur l’approvisionnement en métaux stratégiques, l’OFREMI vient en appui aux politiques publiques dans une dimension de soutien à la stratégie industrielle française. Nous intervenons, sous la coordination de la Délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS), au sein d’un écosystème impliquant six ministères et aux côtés des industriels sur l’ensemble de la chaîne de valeur. 

L’OFREMI accompagne et fournit des données à l’ensemble des partenaires sur des problématiques spécifiques. Nous mobilisons pour cela des groupes de travail pluridisciplinaires formés d’experts des pouvoirs publics, de l’industrie et de six établissements partenaires : Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), IFP Énergies nouvelles (IFPEN), l’agence de la transition écologique (ADEME), l’Institut français des relations internationales (IFRI) et le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). 

Cette approche nous permet de développer un programme ambitieux, couvrant de nombreux champs tels que l’économie des marchés, la géologie des ressources, les technologies clés d'aujourd'hui et de demain, les risques géopolitiques, les impacts environnementaux...

Comment l’OFREMI travaille-t-il avec les différents acteurs publics ou privés ? 

Stéphane Bourg - Notre programme, défini avec la DIAMMS, s’articule autour de groupes de travail impliquant les représentants des filières concernées : Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), Alliance des minerais, minéraux et métaux (A3M), Comité stratégique de filière Nouveau Système Énergétique, plateforme automobile (PFA), ainsi que des industriels spécifiques. 

Les collaborations ne sont pas figées (Aluminium France, France Hydrogène et GIMELEC vont bientôt nous rejoindre) et continuent de s'enrichir au fur et à mesure de notre avancement. Suite aux premiers travaux réalisés, de nouvelles questions émergent et nous ajoutons régulièrement de nouvelles actions à notre programme.

Sur quelles thématiques l’OFREMI travaille-t-il en priorité aujourd’hui ?

Stéphane Bourg - Notre premier objectif est de quantifier les besoins en matières premières pour la transition énergétique de la mobilité en France jusqu'en 2050. Cela englobe notamment le nombre de véhicules vendus par an, les types de mobilité et les évolutions technologiques liées aux batteries. 

Éléments centraux de la mobilité électrique, le lithium et le cuivre font l’objet de groupes de travail spécifiques. Dans ce cadre, nous aidons le public à évaluer l’impact environnemental global de la production de ces métaux critiques, préparant tout à la fois la « diplomatie des matières premières » avec nos partenaires extra-communautaires et le débat public autour de la production de lithium, ou de tout autre matériau critique, en France. Notre mission est d’apporter une information technique neutre à toutes les parties prenantes.

Nous ne nous limitons cependant pas à la mobilité et nous cherchons également à élargir nos questionnements sur la transition énergétique et les filières associées. À ce titre, l’OFREMI travaille sur le développement des filières de valorisation des matières secondaires, c’est-à-dire le recyclage, qui doivent apporter une contribution importante à l’autonomie industrielle française.

Enfin, l’OFREMI collabore à l’élaboration d’une stratégie sur le titane pour sortir notre industrie aéronautique et défense d’une dépendance aux approvisionnements russes. Vous comprendrez que je ne puisse pas développer le sujet. 

Estimez-vous réalistes les objectifs de localisation en Europe de la filière matières premières qu’annonce l’European Critical Raw Materials Act ?

Patrick d’Hugues, Directeur de Programme Scientifique (Ressources Minérales et Économie Circulaire), BRGM - Les chiffres communiqués dans le European Critical Raw Materials Act sont des ambitions qui doivent être affinées pour être transformées en objectif concrets lorsque le texte sera voté au Conseil et au Parlement européens. S’il est complexe de se prononcer sur la capacité de l’Europe à atteindre ces ambitions, il est bon de noter qu’elles vont dans le bon sens. Cette législation constitue une avancée significative car elle couvre tous les enjeux associés aux approvisionnements de la chaîne de valeur : la veille stratégique, l’inventaire des ressources européennes et l’exploration, le soutien à l’innovation et à la mine responsable, l’économie circulaire et le recyclage.

Il existe deux éléments clefs à la réalisation de ces ambitions : la mise à disposition de moyens financiers et la prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux. Le travail est colossal pour développer toute la chaîne de valeur en Europe, les moyens financiers pour atteindre les objectifs doivent être à la hauteur. Il est par ailleurs nécessaire d’expliquer à l’ensemble de la société civile le lien existant entre nos modes de vie, la transition écologique et l’accès aux métaux. Cela passe par une meilleure communication sur les chaînes de valeur et le développement d’approvisionnements responsables.

Face à ces ambitions, quel est l'état actuel de l'industrie minière en France ?

Stéphane Bourg - Aujourd’hui, l'industrie minière en France se concentre principalement sur les activités de carrières, et il y a très peu d'activités minières au sens traditionnel du terme. Cependant, il existe encore des acteurs et un écosystème français qui s'occupent de l'exploration minière et de la géophysique. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) joue un rôle important dans l'inventaire des ressources minérales en France et dans l'orientation des activités d'exploration. Il y a des compétences à reconstruire dans le domaine de la certification et de l’exploration minières.

Quels sont les leviers d'action envisagés par l’Europe pour atteindre ses objectifs de souveraineté sur les matières premières ?

Stéphane Bourg - Les leviers d'action comprennent la réalisation d'un inventaire minier plus approfondi, des explorations ciblées pour passer de la découverte à la quantification des ressources, ainsi que la recherche de partenaires miniers, notamment des sociétés minières junior.

Il est important de relancer l'exploration minière en France et de reconstruire l'écosystème nécessaire pour atteindre nos objectifs. Cela va des entreprises aux compétences qui ont quitté le territoire national et qu’il faut développer à nouveau. Et la nécessité de développer l’ensemble de la chaîne de valeur afin d’assurer une transformation en France des minerais extraits. La mise en application du European Critical Raw Materials Act par le gouvernement aura un impact majeur sur toute la communauté minière en France.

L’industrie minière évolue et travaille à minimiser son impact environnemental et social. Le concept de mine responsable se formalise. Pouvez-vous nous dire ce qu’est une mine responsable ?

Patrick d’Hugues - Une mine responsable embrasse les enjeux environnementaux (eau, énergie et déchets...), sociétaux (conditions de travail et de sécurité, respect des droits de l’Homme...) et de gouvernance (corruption, relations avec les parties prenantes...). Ces critères sont partagés par tous les acteurs. 

À ces critères, s’ajoute aujourd'hui dans les débats la question de la finalité de l’extraction minière et du besoin des objets qui en contiennent. La finalité - et par conséquent l’intérêt de la demande en produits miniers - est une question politique sur la société de consommation, la croissance et la décroissance, le high tech et le low tech

Au-delà des débats en Europe sur la finalité, la mine responsable est également au cœur des discussions entre les pays européens et les pays producteurs. Ces derniers constatent parfois, amusés, que l’Europe arrive avec ses normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) toujours plus contraignantes quand la Chine vient plus simplement avec de l’argent. Pour permettre la bonne prise en compte des critères ESG, l’Europe doit proposer une feuille de route réaliste et une trajectoire pour accompagner les pays producteurs dans sa mise en œuvre. Autrement, elle perdra l’adhésion recherchée.

Existe-il des normes européennes pour définir la mine responsable ?

Patrick d’Hugues - Aucun standard étatique ou européen n’existe à ce jour sur la mine responsable. De nombreux standards sont portés par des associations, dont l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA). Cette dernière présente l’intérêt de définir des standards et d’auditer les entreprises pour valider leur niveau de conformité. L’approche que suit l’Europe consiste à labelliser les projets existants et étudier les propositions des parties prenantes industrielles pour la définition d’une mine responsable.

Il est important pour l’Europe et la France de développer une doctrine des matières premières qui guide une action politique efficace et une diplomatie des matières premières avec les pays producteurs. L’ECRMA est une première étape mais le chemin est encore long alors que le temps manque.

De quelle manière Strategy& participe-t-elle à la sécurisation et à la transformation des chaînes d’approvisionnements de l’industrie française ?

Sylvain Mit – Strategy& accompagne les acteurs industriels dans l’identification des vulnérabilités de leur chaîne d’approvisionnement et la mise en place de stratégies de sécurisation et de résilience. 

L’association unique d’expertises techniques (géologie, ingénierie minière, processus métallurgiques), de nos compétences historiques en ESG et finance, à une présence internationale au plus près du terrain, nous permet d’identifier les risques tout le long de la chaîne de valeur, de la mine au produit final. 

L’afflux massifs de nouveaux capitaux, publics et privés, a dopé le nombre de nouveaux projets plus ou moins spéculatifs. Face au risque de pénurie et à l’exemple des constructeurs automobiles, les acteurs industriels sont aujourd’hui forcés de prendre des positions sur de futures réserves encore en phase d’exploration.

Grâce à une approche intégrée de due diligence combinant opérations, ESG et analyse financière, Strategy& est en mesure d’évaluer la viabilité de projets dans des phases très amont, pour sécuriser l’investissement de nos clients, tout en anticipant les obligations réglementaires de traçabilité et de compliance ESG. 

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Sylvain Mit

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Ludovic Técher

Ludovic Técher

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