Dans ce contexte, les questions relatives aux coûts du personnel ont pris une importance primordiale dans les fusions et acquisitions, même lorsqu’elles sont internes à un groupe.
En fonction de la structure et de l’historique des rémunérations et avantages sociaux (C&B) d’une entreprise acquise, les conséquences peuvent être importantes. Selon notre expérience, l’ampleur des différences de coûts du personnel peuvent atteindre 5 à 10 % au sein d’entreprises du même secteur lors d’une intégration.
« Un certain nombre de situations peuvent déclencher des négociations obligatoires entre l’acheteur et les représentants des employés ou les syndicats. »
« Une forte complexité est aussi à anticiper en Allemagne où les représentants des employés ont des droits de codétermination étendus lors de l’intégration à une autre entreprise qui entraîne des changements au niveau opérationnel. »
La complexité élevée des systèmes de paie, tant dans les pays matures que dans les pays en développement (par exemple certaines entreprises manufacturières indiennes ont jusqu’à 40 composants dans leur structure de rémunération et avantages sociaux) cumulée à un accès potentiellement limité à des informations précises avant la prise de contrôle, peuvent entraîner des difficultés à anticiper cet impact. Cependant, c’est un facteur de décision clé du schéma d’intégration. Convient-il de maintenir l’activité acquise ainsi que ses salariés dans une entité séparée spécifiquement dédiée ? Est-ce que cela est possible ? Faudrait-il intégrer ? Et si oui, faut-il alors engager un processus d’harmonisation ou bien généraliser le schéma existant dans l’entreprise d’accueil ? Existe-t-il un schéma donnant-donnant ? Un gagnant-gagnant ? Ou bien les employés intégrés peuvent-ils conserver leur structure héritée, dans un groupe fermé, c’est-à dire dans un groupe sans nouveaux entrants ? L’arbitrage n’est pas aisé. Les situations diffèrent selon les pays. La législation reste la clé principale.
Les préoccupations sont les mêmes dans tous les pays : comment réussir l’expérience collaborateur, retenir les talents et conserver les savoir-faire clés. Selon une étude de PwC auprès de 600 cadres dirigeants, 82 % affirme que la valeur des deals s’était largement détériorée quand plus de 10 % des collaborateurs clés quittaient l’entreprise après une acquisition.
Cette question se pose dès la phase de préparation de la transaction. Les clauses du Share Purchase Agreement1 (notamment car d’autres structurations peuvent être envisagées), doivent être soigneusement négociées sur les aspects sociaux. De nombreux SPAs comportent des dispositions sur le maintien des packages de rémunération et des avantages sociaux, et des dispositions de maintien d’emploi, au moins pour un temps donné. Et ceux, quel que soit le pays de réalisation de la transaction.
À ce titre, nous avons récemment assisté à une transaction mondiale. L’engagement qui reposait sur « le maintien des rémunérations et avantages sociaux substantiellement comparables à ceux fournis aux employés transférés immédiatement avant le closing » a généré de nombreuses discussions d’interprétation entre les parties lors de la phase d’intégration post-acquisition.
En dehors du SPA, plusieurs champs de contraintes doivent être anticipés. En outre, un cer tain nombre de situations peuvent déclencher des négociations obligatoires entre l’acheteur et les représentants des employés ou les syndicats.
C’est le cas en France où l’intégration dans une entité juridique génère une obligation d’ouvrir des négociations afin de négocier un statut, idéalement, harmonisé avec l’entreprise d’accueil. En cas d’échec de la négociation d’un tel accord, les salariés transférés bénéficient d’une garantie de rémunération, strictement encadrée, notamment sur son périmètre. Dans un tel contexte, l’analyse du statut social (non seulement les rémunérations et avantages sociaux, mais aussi d’autres éléments du statut collectif, tels que le temps de travail ou les accords de participation et d’intéressement) est une étape essentielle pour préparer les négociations, prévoir leurs impacts financiers, et réussir à accompagner les employés dans la transition avec ambition et éthique. C’est également le cas hors de France, par exemple :
On le voit, le contexte national est clé.
« La législation de l’UE sur la transparence des rémunérations va certainement créer de nouveaux défis et éventuellement des exigences de reporting plus strictes ou nouvelles pour les acquéreurs. »
Des problèmes de conformité peuvent également survenir et augmenter les impacts, notamment dans les accords transfrontaliers complexes.
Nos équipes en Inde ont récemment assisté une entreprise européenne dans l’acquisition d’une entreprise manufacturière indienne dirigée par un promoteur, impliquée dans les processus complexes d’harmonisation des rémunérations et des avantages sociaux. Cela comprenait la prise en compte des coûts supplémentaires pour amener les rémunérations et avantages sociaux aux politiques sociales de l’acquéreur et à l’ajustement des salaires pour atteindre les niveaux médians du marché. Les défis ont été bien identifiés lors de la phase de due diligence et une évaluation complète a permis d’estimer le coût supplémentaire dans des proportions de 15-20 % des coûts de masse salariale.
Mais une autre question gagne en importance dans toutes les localisations géographiques. Il s’agit de l’attention croissante portée à l’égalité de traitement et à la non-discrimination. De exceptions liées à l’historique d’emploi existent toujours dans la plupart des législations (États-Unis, UE...). La législation de l’UE sur la transparence des rémunérations va certainement créer de nouveaux défis et éventuellement des exigences de reporting plus strictes ou nouvelles pour les acquéreurs. Devant entrer en vigueur d’ici 2026, cette nouvelle législation donnera un large droit d’accès aux informations sur les rémunérations par catégorie.
Dès lors, comment gérer les litiges spécifiques à chaque pays et les mesures correctives ? Comment apprécier les moyennes par catégories quand des distorsions sont liées aux niveaux de rémunération d’une acquisition récente ? Comment construire rapidement les catégories à comparer ou une définition commune du travail égal pour un salaire égal ? Comment structurer les données et leur disponibilité ? Comment structurer la gouvernance et le reporting ?
Ainsi encore, les directions des ressources humaines sont confrontées à un nouveau niveau de complexité et d’administration. Il ne fait aucun doute que cette complexification aura un impact à anticiper lors d’acquisitions significatifs.